Incarner ma véritable nature
Oṃ!
« L’attraction et la répulsion concernent les objets de perception. Elles ne doivent pas gouverner [l’aspirant·e spirituel·le], car ce sont ses ennemis. »
C'est avec ces mots au verset 34 du chapitre 3 de la Bhagavad-gītā que Śrī Kṛṣṇa fait le lien entre la constatation que tous les êtres, même très évolués, suivent leur nature individuelle (verset 33) et la nécessité, dans notre intérêt personnel, de prendre nos responsabilités plutôt que celles des autres (verset 35).
Ce passage fait la subtile distinction entre des concepts proches, mais qu'il est essentiel de bien différencier :
Notre véritable nature
Éternelle, immuable, universelle, indivisible, support de l'univers tout entier, notre स्वरूप, svarūpa, est notre forme essentielle, souvent appelée réalité absolue. Elle est commune à tous les êtres.
Le « je » de chaque individu est une projection qui trouve sa source dans cette réalité absolue. Il la masque pour s'exprimer dans le monde à la première personne sous de multiples formes.
Le tempérament
Au verset 33, le terme प्रकृति, prakṛti, traduit par nature, désigne notre personnalité, notre individualité au niveau de l'illusoire manifestation. On l'appelle aussi स्वभाव, svabhāva, la constitution ou disposition unique propre à chacun·e.
Ce tempérament est le fruit de nos expériences ainsi que de facteurs inconnus (patrimoine génétique, vies antérieures, etc.). Il s'exprime sous la forme de nos attirances et répulsions, रागद्वेष, rāga-dveṣa, et conditionne nos actions et réactions. C'est la façon unique dont la réalité absolue qui est notre véritable nature s'incarne sous la forme de la personne que nous semblons être.
Le devoir, les responsabilités
Généralement, faute de mieux, traduit par devoir, le terme धर्म, dharma, englobe ce que nous appelons « nos responsabilités ». Responsabilités professionnelles, familiales, citoyennes, sociales, etc. – à commencer par nos responsabilités envers nous-mêmes.
Découvrir son dharma et adapter son activité en fonction de son évolution demande beaucoup d'intuition (certaines personnes ne semblent pas avoir de doutes) et/ou beaucoup de réflexion nourrie d'observation de soi, des autres, par les conseils de nos aîné·e·s et de nos proches... par et les principes articulés dans les textes traditionnels (brièvement résumés dans une précédente lettre accessible ici).
Nos goûts, constitutifs de notre personnalité au point que nous nous définissons souvent par ce qui nous plaît et nous déplaît, peuvent représenter un obstacle au bonheur : si nous les laissons nous gouverner, nous passons notre vie à tenter d'éviter les incompressibles désagréments du quotidien et à courir après des joies évanescentes – sans grand succès, comme on le voit, car plaisir et douleur viennent à nous indépendamment de notre volonté.
Toute action, toute ambition comprend une partie de douleur, des moments déplaisants. Si nous orientons notre vie principalement en fonctions de la recherche de plaisir et l'évitement de la souffrance, nous nous retrouvons à errer d'une expérience à une autre sans but, comme un bateau sans gouvernail dérivant au gré des courants, balloté par les vagues de bonheurs et de peines.
Pourtant, la recherche de plaisir et l'évitement de la souffrance sont les motivations fondamentales de tous les êtres – humains, animaux, végétaux, etc. Et ce sont des aspects importants de nos vies. Mais, selon les mots de Śrī Kṛṣṇa, ils ne doivent pas nous contrôler.
Nous l'observons dans la société : la quête effrénée de plaisirs et la fuite de la douleur se traduisent par des enjeux majeurs dans les domaines de la santé publique (addictologie), de l'environnement (surconsommation), du droit du travail (exploitation de populations pour produire des biens à bas coût), etc.
Alors, comment orienter nos décisions ?
C'est là que le principe de dharma prend toute sa signification. En bref : mon dharma est l'action qui s'impose à moi compte tenu de la situation dans laquelle je suis, de mon tempérament et de mes capacités.
Prenons le cas de l'archer d'exception qu'est Arjuna : il se trouve sur un champ de bataille et s'apprête à déclencher une guerre juste. Son tempérament est de gouverner, de défendre la justice au prix de sa vie et c'est un guerrier inégalé.
Lorsqu'il déclare au début du chapitre 2 qu'il préfère manger le pain de l'aumône, c'est-à-dire renoncer au monde, plutôt que mener cette bataille, on peut comprendre qu'il fuit son dharma – il veut éviter la souffrance d'une guerre à mort contre des membres de sa propre famille même si cela signifie renoncer à son devoir et embrasser une voie qui ne lui correspond pas, pour laquelle il n'est pas encore prêt.
C'est problématique parce que, lorsque nous abandonnons notre dharma, nous abandonnons aussi notre vie spirituelle au profit d'un gain à court terme et incertain. En effet, l'action désintéressée ou karma-yoga n'est possible que si notre action n'est pas... intéressée. Or une action gouvernée par nos attirances et répulsions est forcément intéressée. Et, comme nous l'avons vu, l'action désintéressée est indispensable non seulement pour notre bien-être et notre prospérité, mais aussi pour obtenir la libération.
Si nous insistons autant sur la notion de dharma, c'est donc parce que ce choix se présente à nous plusieurs fois par jour et conditionne toute notre trajectoire personnelle et spirituelle.
Pour identifier ces situations et prendre les bonnes décisions, il est nécessaire d'avoir une réflexion approfondie sur notre personnalité et notre positionnement dans notre vie. Les conseils de notre entourage peuvent être d'une aide précieuse, mais ce cheminement nous appartient entièrement, et personne n'est en mesure de faire ces choix pour nous – d'autant que nous seul·e·s en récolterons les fruits.
Il en va de notre responsabilité envers nous-mêmes d'embrasser inconditionnellement la voie qui s'offre à nous et qui nous correspond.
Pourtant, souvent, nous savons ce qui est bon pour nous, et nous ne le faisons pas ; pire, nous savons ce qui est néfaste et nous empruntons cette voie-là... comme malgré nous.
Pourquoi ?
C'est la question posée par Arjuna à Śrī Kṛṣṇa au verset 36.
Dans une réponse que nous développerons la prochaine fois (verset 37), Śrī Kṛṣṇa évoque l'avidité, l'insatisfaction, une sorte de fébrilité qui nous habite, et nous met en garde : cette tendance est destructrice. Il évoquera même au verset 38 la racine de ce mal – l'ignorance.
Est-ce un questionnement qui te semble d'actualité aujourd'hui ? Dans ta vie ? Dans la société ?
Que penses-tu de la réponse de Śrī Kṛṣṇa ?
Correspond-elle à ton expérience ? À ce que tu observes autour de toi ?
Quelle(s) réponse(s) apporterais-tu ?
Les ateliers
Rencontres hebdomadaires autour de la Bhagavad-gītā :
jeudi à 18h30 aux Beaux-Arts chez Yogahimsa au 22 rue Saint-Léon à Montpellier
dimanche à 18h30 sur Zoom (ID de réunion : 896 0916 0032, code secret : 972280)
Support de cours conseillé : la Bhagavad-gītā commentée par Swami Chinmayananda, publiée aux éditions Trédaniel (ISBN : 978-2-8132-2089-9).
En complément : la Bhagavad-gītā de Colette Poggi, le Mahabharata abrégé de Jean-Claude Carrière et le film du même nom réalisé avec Peter Brooke.
Cours sur L'essence de l'enseignement de Shri Ramana Maharshi :
lundi 12 septembre à 14h30 dans l'Écusson, chez les Amoureux de Candolle au 19 rue Lallemand à Montpellier
mardi 13 septembre à 18h30 aux Beaux-Arts chez Yogahimsa au 22 rue Saint-Léon à Montpellier
vendredi 16 septembre à 19h sur Zoom (ID de réunion : 884 6499 4407, code secret : 187535)
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Montpellier : Inauguration de l'espace Akashik les 1er et 2 octobre
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J'en profite pour t'encourager vivement à découvrir :
l'association des Amoureux de Candolle et les activités proposées dans ses locaux au 19 rue Lallemand dans l'Écusson
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À très vite :)
Sophie