L'action au cœur de la Bhagavad-gītā
ॐ Agir ou renoncer : quelle est la voie de la libération ?
Oṃ!
Dans le premier chapitre de la Bhagavad-gītā, nous découvrons le dilemme d'Arjuna sur le champ de bataille. Pris en étau entre l'impératif d'une guerre juste et la perspective d'une lutte à mort contre sa propre famille, il évoque au début du deuxième chapitre le renoncement à l'action comme une issue possible. Avant de commettre l'irréparable, car des vœux formels de संन्यास, saṃnyāsa/sannyāsa, renoncement seraient définitifs, il prend refuge en Śrī Kṛṣṇa, lui demandant de l'éclairer par sa sagesse.
Le deuxième chapitre contient donc en premier lieu un condensé de l'enseignement de la non-dualité tiré des upaniṣads, suivi d'un enseignement sur le karma-yoga, puis d'une description de l'être réalisé. Cet enseignement est indissociable du renoncement à l'action : traditionnellement dispensé aux संन्यासी, saṃnyāsī/sannyāsī, ces personnes qui quittent tout pour se consacrer entièrement à la poursuite de la connaissance, il culmine dans l'abandon de tous les désirs et la disparition des injonctions à effectuer des rituels et autres actions dans le monde.
Pourtant, dans la partie sur le karma-yoga, après avoir exposé l'enseignement de la non-dualité, Śrī Kṛṣṇa enjoint Arjuna de mener la bataille.
Ce discours déroute Arjuna, qui au début du troisième chapitre, s'en confie à Śrī Kṛṣṇa dès le verset 1 : si, pour atteindre le but ultime de l'existence (la libération), la connaissance est supérieure à l'action, alors pourquoi son ami le pousse-t-il à lancer une bataille meurtrière ?
Au verset 2, Arjuna demande une réponse claire : laquelle des deux voies faut-il choisir, le renoncement ou l'action ?
Śrī Kṛṣṇa répond au verset 3 que ces deux voies, le renoncement et l'action existent depuis la nuit des temps ; elles sont inhérentes à la condition humaine... mais elles concernent différentes personnes. Implicitement, il exclut ainsi la possibilité de combiner les deux dans un même temps.
Śrī Kṛṣṇa développe sa réponse au verset 4 : ce n’est pas en s’abstenant d’agir qu’on atteint la non-action, ni par le simple renoncement qu’on atteint la perfection. Ici, नैष्कर्म्य, naiṣkarmya, non-action est synonyme de perfection, de réalisation du soi, de connaissance. Si, comme nous l'avons évoqué plus haut, la non-action, la connaissance, est obtenue par et culmine dans le renoncement, nous voyons ici que ce n'est pas une condition suffisante pour autant...
Śrī Kṛṣṇa nous rappelle au verset 4 qu'il est d'ailleurs impossible de rester un instant sans agir – प्रकृति, prakṛti, la Création est changeante par nature. C'est ce qu'on constate en observant notre corps, nos pensées, et le monde.
En outre, une personne qui adopte la posture de méditation mais qui reste intérieurement captivée par le monde est dans l'erreur, et son attitude extérieure nous induit nous aussi en erreur (verset 6). Si Arjuna venait à déserter le champ de bataille et laisser sa famille pour vivre en renonçant, serait-il en mesure d'abdiquer mentalement toutes ses responsabilités pour se concentrer parfaitement en méditation ? Et nous-mêmes ? Parvenons-nous à détacher nos pensées du monde lorsque nous nous asseyons quelques minutes pour méditer ?
Cela ne signifie évidemment pas qu'il ne faille pas du tout méditer, mais, à moins que nous soyons déjà très peu affecté·e·s par les choses de ce monde, peut-être notre pratique spirituelle ne devrait-elle pas se limiter à quelques minutes sur un coussin de méditation. Car, contrairement à cellelui qui, semblant méditer, laisse en fait son esprit vagabonder dans le monde, la personne qui se consacre à l'action avec détachement et de manière mesurée, en maîtrisant ses gestes, atteint l'excellence (verset 7).
De l'extérieur, on croirait que c'est lea méditant·e qui a une pratique spirituelle digne de ce nom. Pourtant l'essentiel se joue au niveau de l'attitude intérieure : le karma-yoga, qui peut être pratiqué en permanence, délie progressivement les entraves qui nous lient à l'action. Lorsque nous nous exerçons à abandonner les raisons habituelles qui nous poussent à agir – désir, peur, colère –, l'influence de ces émotions dans notre vie s'estompe. Par la pratique de l'action désintéressée, notre rapport à la vie, aux autres, à nous-mêmes devient plus simple, plus équilibré. Les décisions deviennent plus faciles. Un comportement guidé par des valeurs et une éthique, conforme aux règles de non-violence, de véracité, d'absence de convoitise, etc., devient plus accessible.
Pour ces raisons, Śrī Kṛṣṇa conclut (pour le moment) au verset 8 que l'action est supérieure à l'inaction – même l'entretien de notre corps, notre première responsabilité vis-a-vis de nous-mêmes et du monde, serait impossible sans action.
Mais comment agir de manière désintéressée alors même que nous devons nous occuper de nous-mêmes, de nos proches, de notre communauté ?
Comment concilier notre besoin de prospérité avec l'action désintéressée ?
Quelle est la nature fondamentale de l'action, lorsque nous ne la considérons pas principalement comme un moyen d'obtenir ce que nous désirons ?
Lors de notre prochaine séance, nous approfondirons ces questions grâce à l'éclairage de Śrī Kṛṣṇa sur le juste positionnement dans l'action compte tenu de notre place dans l'univers, à compter du verset 9 du troisième chapitre de la Bhagavad-gītā.
Au passage, si vous songez à vous procurer un exemplaire de la Bhagavad-gītā, la version commentée par Swami Chinmayananda, publiée aux éditions Trédaniel, est de nouveau disponible au format poche en librairie (plus d'informations ici).
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L'enregistrement audio de la séance du lundi 21 mars reste disponible sur la chaîne YouTube de Bhūgītā uniquement accessible en cliquant sur l'image ci-dessus et via ce lien.
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Sophie