Oṃ !
Chaque automne, des aspirant·e·s spirituel·le·s du monde entier redoublent de pratiques et de dévotion pendant Navarātri. Ce festival culmine dans Vijayādaśamī, le jour de la victoire, qui cette année est célébré aujourd’hui et demain. À cette occasion, j’aimerais (re)partager avec vous une lettre de 2021…
Au cours de ces neuf nuits (nava, neuf ; rātri, nuits), il est d’usage de célébrer différentes divinités féminines. Dans les traditions hindoues, pour autant qu’on puisse généraliser, le féminin représente la forme la plus complète du divin : la déesse est à la fois l’absolu « à l’état pur » et sa manifestation sous la forme de l’univers tout entier (ses homologues masculins représentant plutôt l’absolu dans sa forme non manifestée, ou sous la forme d’un individu tout puissant, un avatar).
Ces déesses, aux formes tantôt charmantes, tantôt effrayantes, incarnent spécifiquement les puissances à l’œuvre dans l’univers : Śrī Lakṣmī, la prospérité, Śrī Sarasvatī, le savoir, Śrī Kālī, l’annihilation – et bien d’autres encore.
Ces figures sont autant d’opportunités de réfléchir aux différentes forces qui se manifestent dans nos vies et les transforment, aux façons dont elles agissent et à ce qu’elles nous enseignent.
Le Devī-sūktam
Dans ce contexte propice à la réflexion, je vous propose une traduction libre du Devī-sūktam. C’est un texte tiré de la Ṛg veda saṃhitā, un hymne à la première personne et accordé au féminin, à comprendre selon la grille de lecture védantique :
1. Les forces invisibles de la nature et de l’univers, les vents et le soleil à chaque étape de sa course dans le ciel m’empruntent le pas ; je suis le support des cieux et des eaux, de la lumière, de l’espace et des sciences.
2. Les lois de l’équilibre cosmique, de la prospérité et de la vie tirent de moi leur force ; tous les êtres obtiennent de moi, par leurs actions, richesse et protection.
3. Je suis la souveraine de l’univers, la détentrice de toutes les richesses, la sagesse même, la destinataire finale de toutes les louanges ; j’ai été placée en maints lieux, m’incarne de diverses manières et me manifeste sous de nombreuses formes.
4. Qui mange le fait par moi, qui voit, qui respire, qui entend le fait par moi ; qui ne me connaît pas périt. Que qui peut entendre m’écoute : mes mots sont digne de foi.
5. Je déclare ce qui est vérifié par les sages ; la personne que je choisis est exaltée, devient visionnaire (ṛṣi), l’absolu (brahman) ou infiniment savante.
6. La destruction même tire sa puissance de moi pour abattre l’ennemi qui cause douleur et division. Je combats l’hostilité ; je suis omniprésente dans les cieux et sur la terre.
7. Je crée même l’outre-monde ; unie avec l’existence absolue, je suis présente dans tous les êtres et mon corps est l’univers tout entier.
8. Le vent est mon souffle et je suis le support les mondes ; par delà les cieux, par delà la terre, car mon existence est infinie.
Et la Bhagavad-gītā ?
Au fil de notre étude de l’advaïta védanta à travers la Bhagavad-gītā, nous nous appuyons sur plusieurs métaphores illustrant la distinction entre les différents niveaux de réalité, entre les propriétés fondamentales des objets et leurs caractéristiques transitoires. Celles-ci nous aident à comprendre le Devī-sūktam dans toute sa profondeur.
🍯 Le pot et l’argile qui le compose :
- Alors que l’argile est unique, elle peut prendre de nombreuses formes (pot, vase, coupelle, etc.) en conservant sa nature malléable.
- Lorsque nous touchons un pot en argile, nos sens perçoivent l’argile – sa texture, son apparence. La forme du pot est secondaire.
- Avant que le pot soit confectionné et lorsqu’il se casse, l’argile existe et peut prendre d’autres formes. L’existence du pot dans l’argile est limitée dans le temps.
🌊 L’eau de l’océan et les vagues qui s’y forment :
- Les vagues se forment dans l’océan : elles ne sont pas distinctes de l’océan.
- À la formation ou résorption d’une vague, la masse d’eau océanique reste constante.
- Les propriétés intrinsèques de la vague sont les propriétés de l’océan.
💡 L’électricité et l’ampoule électrique :
- Des charges électriques sont présente partout à tout moment, mais on ne prend conscience de leur existence que lorsqu’elles sont canalisées pour faire fonctionner un appareil, par exemple pour allumer une ampoule.
- Avant d’allumer l’ampoule, on peut avoir l’impression qu’il n’y a pas d’électricité.
- La manifestation de l’électricité sous la forme de lumière grâce à l’ampoule semble différente de l’électricité « à l’état pur », sous sa forme naturelle.
Dans ces exemples, le pot, la vague et l’ampoule allumée représentent les नाम-रूप, nāma-rūpa, littéralement noms et formes, c’est-à-dire l’ensemble des idées et des objets qui composent notre univers. L’argile, l’eau de l’océan et l’électricité représentent respectivement सत्, sat, le principe d’existence universel qui sous-tend chaque नाम-रूप, nāma-rūpa.
Parce que nous existons, सत्, sat, est notre nature essentielle. Les concepts et formes qui se manifestent dans notre conscience tirent leur existence de notre propre existence. En d’autres mots, nos expériences physiques ou mentales émergent de notre propre existence fondamentale. Elles sont transitoires, contrairement à notre nature réelle, qui est immuable et au-delà de l’espace et du temps.
Lorsque nous connaissons notre réelle identité, nous nous établissons dans une paix incommensurable.
Prochains rendez-vous
La Bhagavad-gītā
En ligne sur Zoom les dimanches de 18h à 19h15 (rendez-vous ici pour recevoir les informations de connexion).
À Montpellier les jeudis de 18h30 à 19h45 chez Yogahimsa, 22 rue Saint-Léon aux Beaux-Arts.
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Tṛptidīpa, la lumière du contentement – pañcadaśī, chapitre 7
En ligne les lundis de 18h à 19h15 et les mercredis de 15h15 à 16h30.
Ce cycle de cours en ligne se poursuivra jusqu’en novembre.
Tattvabodha, la connaissance de la réalité de Śrī Śaṅkarācārya
Les principes fondamentaux de l’advaïta védanta
Un stage à l’Arche de Saint-Antoine se prépare pour le printemps 2025 et sera annoncé dans une prochaine lettre.
Au plaisir de vous retrouver bientôt !
Chaleureusement,
Sophie