Les liens entre les divinités et les êtres humains🌾
Oṃ!
Au chapitre 3 de la Bhagavad-gītā, Śrī Kṛṣṇa nous explique en détail la pratique de कर्मयोग, karma-yoga, l'action désintéressée déjà évoquée au chapitre 2. Ici, cette pratique est appelée यज्ञ, yajña, sacrifice.
Ce terme rend peut-être le sujet un peu plus clair pour Arjuna, qui est imprégné de culture védique, et ouvre de grandes pistes de réflexion pour nous, qui avons une culture très différente.
Śrī Kṛṣṇa cite le créateur de l'univers, Prajāpati, qui aurait créé le sacrifice en même temps que les êtres, déclarant que c'est par ce moyen que nous pourrons satisfaire nos besoins (verset 10) et, finalement, atteindre la libération (verset 11).
L'expression la plus naturelle de l'être humain serait donc l'action désintéressée ; et il ne serait pas du tout favorable de contrevenir à cette nature.
Cet enseignement peut sembler contre-intuitif, ou du moins contraire aux valeurs majoritaires dans notre société, car nous pensons plutôt en termes d'acquisition : si j'ai besoin de quelque chose, mon premier réflexe est de l'acheter ou de l'obtenir directement.
Or, dans les versets 11 et 12, Śrī Kṛṣṇa mentionne des intermédiaires : देवा, devā, les divinités.
Il est tentant d'interpréter ce terme par le prisme du polythéisme ou de l'animisme – il faudrait s'attirer les faveurs d'esprits pour obtenir ce que l'on souhaite. Toutefois, les commentateurs ne retiennent pas cette lecture.
देव, deva provient de la racine verbale दिव्, div, dont une des significations est « illuminer ». Dans les cultures indo-européennes, la lumière évoque la conscience ; ici, les divinités sont des manifestations de la conscience. Certes, ce terme indique les forces naturelles incarnées par Indra, Agni, Varuṇa, etc., mais aussi, au sens large, tout facteur dont nous dépendons pour vivre et prospérer.
Lorsque, au verset 11, Śrī Kṛṣṇa évoque le sacrifice aux divinités, il faut donc comprendre l'action désintéressée auprès des éléments, institutions, personnes, ressources, mécanismes, etc. qui nous nourrissent jour après jour.
Insistant sur l'importance du sacrifice pour les êtres humains, Śrī Kṛṣṇa déclare au verset 12 que les divinités, nourries par les sacrifices, pourvoient à nos besoins ; mais quiconque consomme ce qui lui a été donné par les divinités (l'air, l'eau, l'éducation, les infrastructures, les attentions de ses proches) sans le leur offrir, c'est-à-dire sans gratitude, est un voleur 😱
Comme l'évoque l'histoire du roi Pṛthu dans notre dernière lettre, cette gratitude se manifeste avant tout dans notre attitude par rapport à ce que nous consommons. Elle peut aussi s'exprimer sous la forme d'un rituel, mais surtout par les gestes du quotidien : aider notre entourage, traiter les personnes avec respect, payer des impôts, etc. D'ailleurs, la culture védique nous enjoint d'effectuer au moins पञ्चमहायज्ञ, pañcamahāyajña, cinq types de sacrifices quotidiens :
ब्रह्मयज्ञ, brahmayajña, l'offrande aux sages, par l'étude et la transmission de leurs enseignements,
पितृयज्ञ, pitṛyajña, l'offrande aux ancêtres, sous forme de rituels et/ou en ayant une descendance,
देवयज्ञ, devayajña, l'offrande aux divinités, traditionnellement avec rituel impliquant un feu sacré,
भूतयज्ञ, bhūtayajña, l'offrande aux êtres vivants, en nourrissant les animaux autour de nous,
मनुष्ययज्ञ, mānuṣayajña, ou नृयज्ञ, nṛyajña, l'offrande aux êtres humains, par la charité.
À y réfléchir, certains de ces actes font déjà partie de notre quotidien, et il nous semble naturel de les faire. Mais peut-être manquons-nous parfois de motivation...
Au verset 13, Śrī Kṛṣṇa poursuit : les personnes qui sont dans une posture de gratitude (par la pensée : « ce que je consomme m’a été donné par des divinités ») sont libérées de toutes les afflictions. Inversement, celleux qui n'agissent que pour elleux-mêmes vivent dans le péché, ne mangent que du péché – rappelons ici que « péché » signifie « action dont les conséquences sont défavorables et entraînent une souffrance ».
On retrouve dans ces mots la grande préoccupation de beaucoup d'entre nous : comment faire de notre vie quelque chose qui ait du sens... c'est-à-dire trouver le bonheur en étant utile à autrui. Cette quête de sens est une quête de lien ; un lien que les cinq sacrifices quotidiens nous aident à entretenir, augmentant par là notre qualité de vie.
Une piste à explorer dans notre quotidien ?
De façon plus globale, l'humanité a-t-elle un rôle à jouer dans le grand cycle de la vie ?
Quel lien y a-t-il entre le sacrifice et la Réalité absolue ?
Et quelle est l'attitude de la personne qui a réalisé le Soi ?
Dans nos prochains ateliers et notre prochaine lettre, nous continuerons d'approfondir ces questions grâce à l'éclairage de Śrī Kṛṣṇa sur le juste positionnement dans l'action compte tenu de notre place dans l'univers, à la lumière du troisième chapitre de la Bhagavad-gītā.
Informations pratiques
Retrouvez tous les lieux et horaires des cours, ainsi que le lien pour le cours du mardi matin (Bhagavad-gītā en distanciel) sur cette page.
⚠️ Exceptionnellement, le cours en présentiel sur la Bhagavad-gītā du lundi 9 mai est déplacé au mercredi 11 mai à 16h30 chez Yogahimsa au 22 rue Saint-Léon aux Beaux-Arts (Montpellier).
Conseils
Veillez à arriver avec 5 à 10 minutes d'avance.
Apportez votre livre, les supports de cours et ce dont vous aurez besoin pour prendre des notes, si vous avez envie de prendre des notes.
À très vite :)
Sophie