Politique et écologie dans la Bhagavad-gītā 🌱
Oṃ!
Dans notre dernière lettre, nous évoquions le यज्ञ, yajña, sacrifice. Ce terme désigne aussi bien les rituels réalisés par les sages védiques pour le bien de l'humanité que le कर्मयोग, karma-yoga, l'action désintéressée, une attitude que chacun·e peut adopter au quotidien.
D'ailleurs, dans les इतिहास, itihāsa, textes historiques, les forces du chaos s'attaquent généralement en premier lieu aux yajñas. Par exemple, le signe le plus clair qu'un souverain est malveillant, comme par exemple Veṇa rāja dans le chant 4 du Bhāgavata purāṇa ou Śrīmad-bhāgavatam, est qu'il interdit aux sages de son royaume de faire des yajñas et les en empêcha par la force. Ce faisant, il mit en péril l'harmonie de la société et la vie sur Terre.
Pour quelqu'un qui ne voit pas l'univers comme un tout, un sacrifice peut apparaître comme une dilapidation de ressources – les prêtres jettent des substances comestibles et précieuses dans un feu soi-disant sacré et, le cas échéant, le commanditaire du rituel se défait de toutes ses possessions pour les redistribuer aux membres de sa communauté. Autant de richesses et de pouvoir en moins pour le roi, et donnés aux érudits...
On peut donc comprendre qu'un souverain préfère ne pas gaspiller de ressources et concentrer les richesses entre les mains d'un faible nombre de personnes plutôt que gouverner un nombre important de personnes prospères. Mais, selon la tradition védique, c'est contraire au devoir de tout gouvernement.
Cela se finit d'ailleurs mal pour le roi Veṇa, qui fut bientôt exécuté d'un simple mantra prononcé par les puissants ascétiques, pour le bien de l'humanité.
Accédèrent alors au trône le descendant de Veṇa, le roi Pṛthu, une incarnation de Viṣṇu, l'aspect du divin qui représente l'ordre et la vertu, et sa compagne Arci, une incarnation de Śrī Lakṣmī, déesse de la beauté, de la félicité et de la prospérité.
Mais le mal était fait. Ayant observé que les êtres l'exploitaient avec un égoïsme décomplexé, la Terre s'était tarie.
Pressée par le nouveau roi Pṛthu, la Terre se manifesta sous la forme d'une vache. Elle expliqua qu'elle gardait en son sein les fruits pourtant prévus par le Créateur pour nourrir l'univers car les êtres n'agissaient plus que par intérêt personnel.
Pour subvenir aux besoins de l'humanité, elle proposa à Pṛthu de lui amener un veau. Submergée d'affection filiale pour lui, elle produirait alors du lait et ce dont tous les êtres ont besoin pour vivre et prospérer.
Quelle force dans la tendresse d'une vache pour son petit, et qui du même coup se met à nourrir tout l'univers !
Et si nous étions nous-mêmes ce veau, si nous reconnaissions dans la Terre notre mère, que se passerait-il ?
Aujourd'hui, nous tirons tout ce qui est nécessaire à notre survie et notre confort de la Terre et des êtres auxquels elle donne naissance.
Que rendons-nous à la Terre ?
Prenons-nous un instant avant de manger pour penser à elle ?
Lorsque nous utilisons nos appareils et véhicules, rendons-nous grâce aux entrailles qui nous ont donné ces minéraux et hydrocarbures ?
Lorsque nous utilisons des institutions et infrastructures, éprouvons-nous de la gratitude pour les communautés qui mettent ces ressources à notre disposition ?
Songeons-nous à toutes les personnes dont le travail rend possible la vie en société jour après jour ?
Pour autant, ni le Śrīmad-bhāgavatam ni la Bhagavad-gītā n'affirment formellement que nous sommes redevables. Rien n'est exigé de nous. Mais ces textes insistent sur la loi cosmique du यज्ञ, yajña, sacrifice, du कर्मयोग, karma-yoga, de l'action désintéressée. Cette loi cosmique, c'est la tendance des êtres à s'exprimer par l'action la plus cohérente avec leur nature – la lumière pour le Soleil, l'abondance pour la Terre, le service pour les êtres humains. On appelle cette loi धर्म, dharma.
C'est une attitude diamétralement opposée au productivisme, à l'exploitation, à la maximisation des rendements qui sont les mots d'ordre d'une conception du monde basée sur la domination et le rapport de force – que ce soit à l'échelle d'une communauté, d'une société, d'une espèce, d'une planète ou de tout autre domaine.
Notons au passage que, dans le Śrīmad-bhāgavatam, Pṛthu commence par menacer brutalement la Terre avant que, terrorisée, celle-ci engage le dialogue et lui explique comment l'humanité peut obtenir d'elle ses précieuses ressources de façon adéquate.
Car si l'action désintéressée (ici, présenter un veau à la Terre) exige le dialogue et la douceur, elle n'en reste pas moins une action mesurée, réfléchie, pensée en fonction des fruits désirés (ici, la fertilité de la Terre).
On qualifie néanmoins ce type d'action de désintéressée parce que les fruits ainsi obtenus sont une conséquence secondaire de l'action qui consiste à satisfaire, à soigner la Terre pour qu'elle puisse reprendre sa juste place dans l'univers. Elle pourra alors subvenir à nos besoins parce que c'est sa nature, également de façon désintéressée.
Pour finir, chaque classe d'êtres apporta son propre veau, et la Terre produisit pour chacun de ces veaux différents fruits – les Védas pour les sages, la douceur des chants pour les êtres célestes, les pouvoirs surnaturels pour les siddhas, la végétation pour les herbivores, les sèves pour les arbres, les minéraux pour les montagnes, et ainsi de suite.
La même action, selon la personne qui l'effectue, porte des fruits différents, répondant aux besoins de chacun·e. C'est ce qu'évoque Śrī Kṛṣṇa en citant le Créateur au verset 11 du chapitre 3 de la Bhagavad-gītā : par le sacrifice, nourrissez les dieux, et puissent-ils vous nourrir ; nourrissez-vous mutuellement, et vous atteindrez le but ultime.
Mais qu'en est-il de la personne qui n'agit pas dans l'esprit de sacrifice ?
Quelle est la place spécifique de l'humanité dans ce grand cycle de la vie ?
Dans nos prochains ateliers et notre prochaine lettre, nous continuerons d'approfondir ces questions grâce à l'éclairage de Śrī Kṛṣṇa sur le juste positionnement dans l'action compte tenu de notre place dans l'univers, à la lumière du troisième chapitre de la Bhagavad-gītā.
La Bhagavad-gītā en visio
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Sophie