Qu'est-ce qui m'empêche d'être fidèle à moi-même ?
Oṃ!
Souvent, nous savons ce qui est bon pour nous, et nous ne le faisons pas ; pire, nous savons ce qui est néfaste et nous empruntons cette voie-là... à notre corps défendant.
Pourquoi ?
C'est la question posée par Arjuna à Śrī Kṛṣṇa au verset 36 du chapitre 3 de la Bhagavad-gītā. Elle rappelle les interrogations soulevées par les grandes religions : l'être humain est-il fondamentalement corrompu ? Ou est-il simplement faible face à la tentation ? Ou encore, y aurait-il des entités qui nous poussent au crime ?
Śrī Kṛṣṇa apporte une réponse dès le verset 37 : il évoque l'avidité, l'insatisfaction, une sorte de fébrilité qui nous habite et que nous connaissons bien, qui se traduit par de la frustration et même de l'irritabilité. Cette avidité est insatiable, précise-t-il, et elle est la cause de nos errances, notre grande ennemie sur la voie spirituelle et dans la vie en général.
Le premier mot de ce verset est काम, kāma. Les traductions courantes – « désir », voire « plaisir », « jouissance » – constituent souvent un écueil pour notre compréhension de l'advaïta védanta, car dans notre vision du monde, ces expériences sont perçues comme agréables, motivantes... désirables.
Ici, le mot काम, kāma désigne un mécanisme psychologique d'extraversion, né de notre sentiment d'incomplétude. Nous voyons dans le monde la réponse à notre expérience d'insatisfaction ; l'univers devient un moyen d'apaiser notre frustration... imparfaitement.
Face à notre impuissance à combler notre manque existentiel, nous éprouvons क्रोध, kodha, souvent traduit par « colère », mais qui est ici une crispation, se manifestant par de la violence – envers nous-mêmes (exigences irréalistes), nos proches (incapacité à les accepter tel·le·s quel·le·s), notre environnement (exploitation effrénée), etc.
Ces expériences de kāma et krodha sont caractérisées par रजोगुण, rajo-guṇa, le rajas, la qualité d'activité, d'échauffement, d'énervement immanente à la création, et qui domine ici. En précisant cela, Śrī Kṛṣṇa ouvre la porte à l'antidote : en cultivant le sattva, la qualité d'équilibre, d'harmonie, de contentement, de sagesse, nous pouvons cesser d'être dominé·e·s par rajas, et donc d'entreprendre des actions difficiles à assumer par la suite...
Notre façon de nous concevoir – comme des êtres incomplets – et de concevoir le monde – comme un moyen d'obtenir enfin la satisfaction – inhibe nos facultés de discernement, nous empêchant avec plus ou moins d'intensité de faire notre devoir, comme l'évoque Śrī Kṛṣṇa au verset 38 :
🔥 Comme la fumée enveloppe le feu
Le feu représente la lumière, donc la connaissance. Il est naturellement accompagné de fumée et la dissipe au fil de la combustion. De la même manière, certains désirs peuvent être surmontés par l'action du feu du discernement qui brûle en nous (sattva) – il suffit de ne pas agir avec trop d'impulsivité (plus facile à dire qu'à faire !).
🪞 Comme la poussière recouvre un miroir
À l'image de notre mental, le miroir ne peut remplir sa fonction révélatrice que s'il est suffisamment propre ; pour notre mental comme pour le miroir, cela exige d'entreprendre certaines actions. Ainsi, il peut parfois être utile de bien se renseigner sur des expériences que l'on souhaite vivre pour se rendre compte qu'elles n'en valent pas la peine (rajas).
🤰 Comme la matrice enveloppe le bébé
Dans certains cas, l'obstacle qui nous sépare de notre svadharma, de l'action juste pour nous, est insurmontable par la réflexion : le désir est si fort qu'il nous faut vivre l'expérience (ou, si cela est impossible, attendre... potentiellement tout une vie), pour qu'il ne nous empêche plus de faire ce que nous devons faire. Notre discernement est, pour ainsi dire, en gestation, et l'attitude d'avidité est comme la matrice qui l'empêche, temporairement, de s'exercer, mettant notre vie spirituelle entre parenthèses.
Ainsi, poursuit Śrī Kṛṣṇa au verset 39, le désir est l'ennemi des sages – et non de celles et ceux qui ignorent ce qu'iels perdent lorsque celui-ci s'empare de leur esprit. Il faut véritablement être sage pour savoir vraiment ce que le désir a d'indésirable !
Tel un feu insatiable, il grandit au fur et à mesure qu'on l'alimente de nos actions intéressées et a une action corrosive sur son siège.
Mais quel est le siège de notre extraversion, de notre crispation, du feu de nos désirs ?
Quels sont les mécanismes par lesquels notre discernement est submergé ?
Que préconise Śrī Kṛṣṇa pour nous permettre de surmonter ces obstacles et prendre le contrôle de notre vie spirituelle ?
C'est ce que nous verrons avec les prochains versets...
Les ateliers
Rencontres hebdomadaires autour de la Bhagavad-gītā :
jeudi à 18h30 aux Beaux-Arts chez Yogahimsa au 22 rue Saint-Léon à Montpellier
dimanche à 18h30 sur Zoom (ID de réunion : 896 0916 0032, code secret : 972280)
Support de cours conseillé : la Bhagavad-gītā commentée par Swami Chinmayananda, publiée aux éditions Trédaniel (ISBN : 978-2-8132-2089-9).
En complément : la Bhagavad-gītā de Colette Poggi, le Mahabharata abrégé de Jean-Claude Carrière et le film du même nom réalisé avec Peter Brooke.
Cours sur L'essence de l'enseignement de Shri Ramana Maharshi :
lundi 12 septembre à 14h30 dans l'Écusson, chez les Amoureux de Candolle au 19 rue Lallemand à Montpellier
mardi 13 septembre à 18h30 aux Beaux-Arts chez Yogahimsa au 22 rue Saint-Léon à Montpellier
vendredi 16 septembre à 19h sur Zoom (ID de réunion : 884 6499 4407, code secret : 187535)
Pour acheter le support de cours pour L'essence de l'enseignement, rendez-vous ici.
Envie d'en savoir plus ? Toutes les informations sur le programme 2022-2023 sont en ligne ici.
Et pour nous contacter, il suffit de répondre à cet e-mail.
Montpellier : atelier ce samedi 1er à 14h (entrée libre)
L'Espace Akashik propose une série de manifestations gratuites ce week-end à l'occasion de son inauguration. Avec Bhūgītā, un temps sera dédié à la récitation de mantras, puis à l'échange sur la non-dualité. L'occasion de faire découvrir nos activités à un plus vaste public. N'hésite pas à faire circuler !
Le programme complet figure sur l'image ci-dessous et ici.
À très vite :)
Sophie