Qui suis-je ?
La semaine dernière, nous avons vu au verset 33 du chapitre 3 que chaque être, ignorant ou sage, agit conformément à sa nature, sans que la contrainte y change quoi que ce soit.
Pourtant, notre véritable nature est universelle, conscience absolue, libre de toute action. Alors, pourquoi parler d'agir de différentes manières selon notre nature ?
Ici, le terme प्रकृति, prakṛti, traduit par nature, désigne notre personnalité, notre individualité au niveau de l'illusoire manifestation. Si chacun·e d'entre nous est un individu unique, c'est à cause de la combinaison complexe des goûts, des attirances et répulsions qui composent notre personnalité (et qui sont la manifestation des trois qualités fondamentales de la création que sont l'harmonie, l'activité et l'inertie, appelées sattva, rajas et tamas, présentes dans notre corps et notre mental dans des proportions variables).
Pour le dire autrement, nous réagissons à toutes les formes d'expérience (état de santé, relations, travail, logement, objets, etc.) en les qualifiant de « bonnes » ou « mauvaises », « agréables » ou « désagréables ». Davantage que notre volonté personnelle, c'est le jugement que nous portons sur ces expériences qui dirige notre vie : nous allons chercher ce qui nous semble souhaitable et évitons les sources de souffrance que nous identifions.
Or, comme nous l'avions vu avec les versets 62 et 63 du chapitre 2, cet attachement aux expériences (qu'on cherche obtenir ou à éviter) est le point de départ d'un puissant cercle vicieux qui nous détourne de notre but : plus notre attention est portée sur nos expériences (les « objets »), plus nous sommes freiné·e·s dans notre évolution spirituelle.
C'est la raison pour laquelle, après avoir expliqué que nous agissons conformément à notre personnalité, Śrī Kṛṣṇa précise au verset 34 que « l’attraction et la répulsion concernent les objets de perception. Elles ne doivent pas gouverner l’aspirant·e spirituel·le, car ce sont ses ennemis. »
Le jeu de perception et de réaction aux perceptions a tendance à absorber toute notre attention, et nous le subissons au point de ne (potentiellement) jamais remettre en question ce que percevons ou la façon dont nous y réagissons.
Pourtant, lorsqu'on y regarde de plus près, le monde (qui inclut notre corps, nos émotions, nos pensées, etc.) et les organes par lesquels nous le percevons ont le même niveau de réalité. Le monde et nos équipements physiques et mentaux sont éphémères et échappent à notre volonté.
Mais alors, cela signifie-t-il que nous n'avons pas de liberté ?
Et si nous n'avons pas de liberté, y a-t-il un espoir de réaliser notre véritable nature éternellement libre ?
L'enseignement de l'action désintéressée, le karma-yoga, est universel ; c'est l'enseignement de la liberté dans l'action. Si la nature de nos actions est le fruit de facteurs qui nous échappent, notre attitude dans l'action, elle, quelle que soit l'action, relève de notre choix.
Ainsi, lorsque nous agissons comme contraint·e·s par notre nature, illustrant les propos de Śrī Kṛṣṇa au verset 33, nous pouvons rester détaché·e et non gourverné·e par nos attirances et répulsions. Ce n'est pas notre action mais notre degré de détachement qui est déterminant.
Pour atteindre ce détachement, les pratiques yoguiques d'observation de nos pensées et de contrôle de soi – qui consistent à identifier et interrompre la pensée avant que celle-ci se transpose en action – nous permettent d'adopter une attitude moins réactive face aux expériences de la vie.
Ce détachement vis-a-vis de nos attirances et répulsions est indispensable pour que l'égo puisse finalement réaliser son irréalité et que nos puissions embrasser notre nature essentielle éternellement libre.
Toutefois, il peut sembler paradoxal d'embrasser l'action sans être gouverné·e par ses attirances et répulsions. C'est sans doute pourquoi le verset qui suit (35) est si célèbre : « Mieux vaut suivre son devoir, même imparfaitement, que celui d’autrui, même si on le fait mieux. La mort (en faisant son devoir) est préférable. (Faire) le devoir d’un·e autre est effroyable. »
Que t'évoque ce verset ?
N'hésite pas à répondre ! Cela nourrira notre réflexion, car, dans nos prochains cours et notre prochaine lettre, nous allons approfondir de nouveau la notion de devoir et réfléchir à la portée de ces mots de Śrī Kṛṣṇa dans nos vies.
Les ateliers
Rencontres hebdomadaires autour de la Bhagavad-gītā :
jeudi à 18h30 aux Beaux-Arts chez Yogahimsa au 22 rue Saint-Léon à Montpellier
dimanche à 18h30 sur Zoom (ID de réunion : 896 0916 0032, code secret : 972280)
Support de cours conseillé : la Bhagavad-gītā commentée par Swami Chinmayananda, publiée aux éditions Trédaniel (ISBN : 978-2-8132-2089-9).
En complément : la Bhagavad-gītā de Colette Poggi, le Mahabharata abrégé de Jean-Claude Carrière et le film du même nom réalisé avec Peter Brooke.
Cours sur L'essence de l'enseignement de Shri Ramana Maharshi :
lundi 12 septembre à 14h30 dans l'Écusson, chez les Amoureux de Candolle au 19 rue Lallemand à Montpellier
mardi 13 septembre à 18h30 aux Beaux-Arts chez Yogahimsa au 22 rue Saint-Léon à Montpellier
vendredi 16 septembre à 19h30 sur Zoom (ID de réunion : 884 6499 4407, code secret : 187535)
Pour acheter le support de cours pour L'essence de l'enseignement, rendez-vous ici.
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À très vite :)
Sophie