🌱 S'enraciner pour y voir plus clair 🌞
Oṃ!
Avec la non-dualité, la tentation est de se laisser bercer par les discours sur notre véritable nature, parfaite, éternelle, infinie, conscience pure...
Nous existons au-delà de notre corps et de notre mental, leurs limitations n'entravent pas notre liberté absolue. C'est extraordinaire de réaliser cela.
Mais est-ce là que notre démarche aboutit ?
Suffit-il vraiment de comprendre que les phénomènes mentaux n'affectent pas la conscience pour atteindre la libération, l'éveil ?
Tous les textes fondateurs de l'advaïta védanta, la non-dualité, abordent les caractéristiques de l'être réalisé. Dans la Bhagavad-gītā, Śrī Kṛṣṇa décrit « la personne dont la connaissance est ferme » (sthitaprajña) immédiatement après le début de son enseignement à Arjuna, au chapitre 2.
L'image que dépeint Śrī Kṛṣṇa vient renforcer plusieurs idées préconçues sur les saint·e·s. Il met la barre très haut : qui parmi nous peut se targuer d'être complètement satisfait·e en soi et par soi ? D'accepter les choses comme elles viennent ? D'avoir dépassé la frustration, l'anxiété et la colère ?
Lorsqu'au cœur d'une méditation, nous découvrons en nous ce fameux témoin que rien ne touche, avec quel empressement nous déclarons que notre véritable nature n'est pas affectée par les soubresauts du mental !
Mais lorsque nous cherchons un modèle pour guider notre vie spirituelle, nous devenons très exigent·e·s sur la qualité de son mental : tout signe d'impatience, de colère, d'anxiété, d'avidité, de partialité, etc. éveille notre scepticisme.
Dans les yeux du maître, nous recherchons la preuve que la méthode proposée a porté ses fruits, car en réalité, nous sommes assoiffé·e·s de paix intérieure.
Or les textes védantiques l'affirment avec insistance : la paix du mental pérenne est le fruit de la connaissance du soi.
La prise de conscience de notre véritable nature est instantanée, mais ne peut se produire que dans un mental préparé. Dans un mental imparfaitement préparé, elle peut apparaître mais s'évapore rapidement. Le mental doit être travaillé comme une terre dans laquelle la connaissance peut être protégée et nourrie avec soin pour s'enraciner. Lorsque ses racines sont fortes et profondes, alors plus rien ne peut l'ébranler. La connaissance du soi structure, protège et nourrit alors le mental qui est son siège, comme les racines d'un arbre protègent la terre de l'érosion et ses feuilles en se décomposant forment de l'humus nourricier.
À la fin du chapitre 2 de la Bhagavad-gītā, Śrī Kṛṣṇa précise d'abord que l'être réalisé connaît une satisfaction sans concessions (verset 55) et que son mental est parfaitement paisible (versets 56 et 57). Il insiste ensuite longuement sur la nécessité et les moyens de cultiver un certain degré de sérénité, indispensable pour s'établir fermement dans la connaissance (versets 58 à 68).
Comme nous l'avons développé dans la lettre du 24 février, il suffit de penser à quelque chose de façon un peu excessive (fréquente, intense) pour perturber notre mental (versets 62 et 63). L'antidote : accepter les expériences comme elles viennent sans cultiver l'attirance ni la répulsion, et ne pas être constamment en recherche de sensations (verset 64).
C'est une discipline pour lutter contre le vague à l'âme, mais aussi un moyen de préparer le terrain mental pour la connaissance (versets 65 et 66).
Comme moyen mnémotechnique, ou pour illustrer son propos, Śrī Kṛṣṇa compare la connaissance à un bateau : le mental dominé par les sensations met en péril notre sagesse durement acquise comme le vent fait dériver une barque sur les eaux (verset 67).
Dans le contexte de ce deuxième chapitre de la Bhagavad-gītā, la maîtrise de soi ne signifie pas qu'il faille se priver ni refouler nos élans vitaux ; mais l'attention portée à nos expériences change de nature, de direction. D'extravertie, elle devient introvertie. Notre fascination pour les sensations, qui projette notre attention dans le monde, laisse la place à un enracinement en soi, une intériorisation de l'attention – initialement à travers nos efforts pour cultiver la sérénité, puis sous la forme de la connaissance de notre véritable nature comme éternellement paisible et non séparée de cet univers qui nous étonne et nous obsède.
Dans l'état d'ignorance, nous pensons voir la vérité dans les objets, dans le monde. Mais pour la personne éveillée à la vérité de la nature réelle du monde, nous vivons un songe : en fait, la pluralité n'a pas d'existence et nos expériences dues à l'ignorance ne sont qu'obscurité.
Inversement, là où, attaché·e·s aux sensations, nous ne distinguons rien, les éveillé·e·s à la lumière de la conscience absolue voient प्रपञ्चोपशमम्, prapañcopaśamam, ce en quoi tous les phénomènes se dissolvent (verset 69).
शान्तं शिवम् अद्वैतम् – śāntaṃ śivam advaitam – paisible, bienveillant, non duel ; स आत्मा – sā ātmā – est le soi (Māṇḍukya Upaniṣad 7)
Notre véritable nature est शान्तम्, śāntaṃ, paisible ; réalisant son origine, le mental adéquatement préparé se fond dans l'absolu et incarne, à travers ses manifestations certes illusoires, une paix parfaite de tous les instants : nous retrouvons la qualité que nous cherchons à reconnaître en nous-mêmes et chez les personnes qui nous inspirent dans notre démarche spirituelle.
Ce but élevé est atteignable, affirme le védanta : redécouvrir et manifester notre véritable nature dans cette vie est notre droit le plus inaliénable.
Lors de la prochaine séance, nous conclurons (peut-être !) ce deuxième chapitre avec de nouveaux éléments très étonnants sur l'être qui a atteint la perfection et une rétrospective de ce que nous avons étudié dans la Bhagavad-gītā jusqu'à présent.
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Sophie