Oṃ!
Maintenant que nous savons déterminer notre dharma, l'action dans ce monde la plus propice à notre évolution spirituelle individuelle, nous pouvons réfléchir à notre attitude dans l'action.
Śrī Kṛṣṇa nous invite à agir de manière toujours désintéressée dans l'esprit du karma-yoga.
Vous avez été plusieurs à témoigner que l'attitude de karma-yoga vous vient naturellement. Si c'est le cas, vous êtes sans doute très équanime : étant désintéressé·e, les obstacles, les réussites ou les échecs ne vous affectent pas.
À l'inverse, les montagnes russes émotionnelles sont symptomatiques d'un attachement fort à l'action et ses fruits.
En réalité, nous avons assez peu conscience de nos réelles motivations dans l'action. Elles nous échappent et nous contrôlent à notre insu !
Cela explique pourquoi, alors que nous pensons saisir plutôt bien le concept du karma-yoga, les mots de Śrī Kṛṣṇa semblent soudain bien abstraits lorsqu'il s'agit d'incarner le désintéressement...
Alors, comment se défaire des chaînes de l'attachement à l'action ? Comment pratiquer le karma-yoga ?
Voici quelques unes des stratégies que vous avez mises en place – nous constatons qu'elles se recoupent entre elles :
La dévotion : Agir avec amour pour la totalité dans laquelle se manifeste l'action. Exprimer cet amour par des actions consciencieuses.
La pleine conscience : Rester pleinement présent·e à chaque geste, pensée, sensation – « que ton esprit soit là où sont tes mains. »
La lucidité : Garder à l'esprit que nos actions et leurs fruits dépendent essentiellement de facteurs sur lesquels nous n'avons qu'une influence limitée, comme les conditions climatiques, notre forme physique et mentale, les autres personnes concernées, etc.
L'offrande : Prendre un moment plusieurs fois pendant la journée ou quotidiennement pour consciemment offrir nos actions et leurs fruits à l'univers – qui en est la source.
Adoptez-vous déjà ces attitudes ? Pensez-vous pouvoir les approfondir consciemment ? Et qu'ajouteriez-vous à cette liste ?
... Eh bien, vous me parlez souvent de la culmination de cette pratique du karma yoga, le summum du désintéressement – la connaissance de notre véritable nature, qui est au-delà de toute action. Mais vous aurez constaté que je ne l'ai pas incluse dans cette liste.
En effet, la contemplation de notre essence qui est existence, conscience et félicité absolues relève davantage de ज्ञानयोग, jñāna-yoga, la voie de la connaissance, que du karma-yoga.
La connaissance est instantanée pour certaines personnes, mais beaucoup d'autres ont un cheminement progressif vers la réalisation du Soi. Au cours de cette évolution, nous perdons parfois de vue notre véritable identité libre de toute action, de toute expérience. À ce moment-là, si l'attitude de karma-yoga est pour nous comme une seconde nature, elle prendra la place de la contemplation et nous protègera de la fâcheuse conséquence de l'ignorance qu'est l'enlisement dans la souffrance ou संसार, saṃsāra. Il est donc essentiel d'être fermement établi·e·s dans la pratique du karma-yoga même quand on recherche la connaissance.
C'est sans doute pourquoi Śrī Kṛṣṇa insiste au verset 26 du chapitre 3 de la Bhagavad-gītā : lea sage (bien que sachant que le Soi est au-delà de toute action) ne doit pas dissuader les ignorant·e·s d'agir, mais doit au contraire les y inciter (car l'action juste est la clef de la libération).
Cette notion est précisée au verset 27.
En effet, comme प्रकृति, prakṛti, l'univers, est changeant·e par nature, et que le changement est une forme d'action, l'action est partout dans l'univers.
Si nous pensons que nous appartiennent les actions de ce corps, de ce mental qui obéissent en fait uniquement aux lois de l'univers, c'est à cause l'égo.
Dans les sciences védiques et yoguiques, अहंकार, ahaṁkāra, l'égo, est la faculté mentale qui s'approprie les actions et expériences du corps et du mental, centralisant toutes leurs fonctions pour construire une identité et une histoire « personnelles ».
Or, comme Śrī Kṛṣṇa nous l'explique au verset 28, ce fameux égo est constitué des mêmes composants que l'univers et les actions, les qualités appelées guṇas. L'égo est une modification de sattva, les actions une modification de rajas et le monde perçu une modification de tamas... (cf. Tattvabodha).
Cela signifie donc que l'égo a le même niveau de réalité que le monde dans lequel il se manifeste – et qu'il n'a donc pas vraiment, bien heureusement, de réalité.
Le Soi quant à lui n'est jamais affecté par les manifestations égotiques que sont les actions et les expériences – personne n'est à féliciter ou blâmer pour ce que nous vivons, car en réalité nous ne traversons jamais aucune expérience.
Malgré ce que l'égo nous ferait croire, notre véritable identité est l'existence-conscience infinie dans laquelle se font et se défont les expériences, sans jamais l'affecter. « Il ne tue pas ni n’est tué » : le Soi n'agit jamais et les expériences physiques et mentales ne l'affectent jamais.
Pour le dire autrement, du point de vue de l'absolu, personne n'est jamais responsable de ce qui nous arrive, car personne n'agit jamais et il ne nous arrive jamais rien – et nous ne pouvons donc pas nous rendre coupables de ce qui arrive aux autres (mais attention, sur le plan relatif, les actions ont des conséquences dont leurs auteurs·rices sont responsables).
Nous pouvons aller encore plus loin : lorsque nous nous réclamons d'une action ou de l’œuvre d'une vie, c'est l'égo qui parle. Le sentiment de responsabilité, de culpabilité ou d'accomplissement nous indique que nous nous identifions à l'égo ; de même, l'attachement à la souffrance et au plaisir, aux événements de nos vies n'est possible que si nous ignorons notre véritable nature.
Ne pouvant pas nous identifier à la fois l'acteur – le Soi – et à son personnage – l'égo –, nous faisons face à un choix : assumer notre véritable nature ou nous accrocher au sentiment d'incomplétude.
Ce choix est particulièrement tangible dans les moments de crise. Prions. Réfléchissons à l'identité de ce à quoi nous prions et à la nôtre. Méditons.
Dans tous les cas, vous l'avez deviné, l'action s'impose au niveau des équipements que sont le corps et le mental – nous verrons dans les prochains versets ce qu'en dit Śrī Kṛṣṇa.
Les enregistrements de la Bhagavad-gītā
Comme promis, voici un nouvel enregistrements audio de nos ateliers sur la Bhagavad-gītā :
Vous pourrez très prochainement écouter la suite des cours sur la chaîne YouTube de Bhūgītā.
Soirée chant ce samedi 25 juin près de Ganges (Hérault)
En l'honneur de Devi, il y a un cercle de kirtan demain dans l’Hérault. Contactez-moi pour plus d'informations ou pour covoiturer !
Informations pratiques
Tattvabodha, c'est terminé !
☀️ Nous ferons encore un cours sur la Bhagavad-gītā mardi 28 juin à 10h30 sur Zoom, puis nous ferons quelques semaines de pause avant d'attaquer la saison 2022-2023 avec des enseignements toujours aussi... uniques.
Retrouvez toutes les informations sur les cours en présentiel et en visio sur cette page.
Conseils
Veillez à arriver avec 5 à 10 minutes d'avance.
Apportez votre livre, les supports de cours et ce dont vous aurez besoin pour prendre des notes, si vous avez envie de prendre des notes.
À très vite :)
Sophie