« Tu fais quoi dans la vie ? »
Agir et ne pas agir : une liberté moins évidente qu'il n'y paraît
Oṃ !
« Tu fais quoi dans la vie ? »
Pour notre entourage comme pour nous-mêmes, nos actions nous définissent. En fonction de ce que nous « faisons », nous représentons certaines valeurs.
« Je ne l’aurais pas cru·e capable de faire ça. »
Agir, c’est faire un choix, et donc renoncer à certaines manières de s’inscrire dans le monde au profit d’autres. En agissant, comme en nous abstenant d’agir, nous limitons notre champ des possibles.
Lorsque ce choix devient pesant – par exemple pour Arjuna qui s’apprête à affronter les membres de son clan dans une lutte à mort – et que les alternatives sont contraires à nos idéaux – dans le cas d’Arjuna, héritier du trône, embrasser le renoncement monastique serait perçu comme un acte de lâcheté par les sujets –, cela nous plonge dans une telle confusion que nous ne nous reconnaissons plus.
Compromettre nos idéaux, c’est mourir un peu, perdre son libre arbitre, le souffle de notre humanité qui nous porte jusqu’à la réalisation du Soi et la libération.
Renoncer à l’action, c’est renoncer au monde, renoncer à exister en tant qu’individu.
Agir de manière juste, c’est vivre, se relier au monde, chercher une place – et prendre le risque que celle-ci ne nous convienne pas, le risque de devoir évoluer.
Au fil de nos actions, nous tissons la trame de notre vie. Certains agissements sont contraints, d’autres se produisent presque à notre insu. Parfois seulement, nous agissons en toute liberté et imprimons délibérément notre marque sur le monde.
Nos choix esquissent des motifs. Davantage que sur l’action, nos réflexions portent sur la décision, avec des questionnements tels que « le libre arbitre existe-t-il ? ».
Cette question se présente à nous particulièrement dans les situations de dilemme moral. Alors, nous nous tournons vers la philosophie ou la spiritualité avec toute la puissance du doute.
Pourtant, contrairement aux religions prolixes en injonctions, interdictions et conseils dont nous sommes généralement pressé·e·s de nous affranchir, les sages ne mettent pas l’accent sur le choix juste ni les moyens d’y parvenir. Le processus décisionnel est un sujet religieux, philosophique, psychologique, juridique – mais jamais spirituel.
Si nos décisions sont si difficiles, ce n’est en effet pas parce qu’il nous manque des informations qui nous permettraient de prendre la bonne décision (ou même d’en comprendre les tenants et aboutissants).
Si nos décisions sont si difficiles, c’est parce que les actions qui en découlent sont à nos yeux l’expression de notre individualité en tant que personne libre.
Nos agissements ont en effet des conséquences visibles (les résultats directs de nos actions) et invisibles (notre perception de nous-mêmes, notre image auprès des autres, les habitudes que nous créons, les karmas qui traversent les incarnations successives). Ils entraînent de nouvelles expériences dont nous portons la responsabilité.
Notre problème fondamental, pour reprendre une expression de Swami Dayananda Saraswati, n’est donc pas notre ignorance de la décision juste mais le regard que nous portons, à travers le prisme de l’action, sur nous-mêmes.
Changer notre rapport à l’action revient à changer son regard sur soi, sur le monde et la place que nous y occupons – c’est tout le sens des enseignements de la Bhagavad-gītā et de l’advaïta védanta en général.
Notre obsession pour le « faire » (le fait que nous nous définissions nous-mêmes par ce que nous faisons) souligne combien il est important pour nous de trouver notre place dans le monde en le façonnant activement.
Quelle serait l’alternative ?
Qu’est-ce que le contraire de « faire » ?
Est-ce que « non-agir » est synonyme de « subir » ?
L’action n’est possible que s’il y a séparation – a minima entre l’agissant·e, le processus de faire et le résultat : la danseuse, danser, la danse. Le plus souvent, des outils et des matières apportent encore plus de diversité : le cuisinier, cuisiner, le plat, l’équipement de cuisine, les ingrédients…
Mais c’est en général vis-a-vis de ce que nous cherchons à atteindre (ou à éviter) que ce sentiment de séparation est le plus prononcé. Se concevant comme séparé·e·s de la totalité – comme limité·e·s –, nous devons impérativement agir pour atteindre un semblant de complétude, un instant de paix.
La notion de séparation est la racine de l’action.
Dans notre anxiété, notre insatisfaction, notre quête de sens, qu’est-ce que l’existence humaine sinon une suite d’actions dans une constante recherche de plénitude, ou du moins de paix ?
Combien de fois éprouvons-nous dans nos vies notre état fondamental, l’équilibre, la sérénité ? Cet état naturel n’est-il pas celui qui semble le plus inatteignable ?
Le véritable sens de la libération, de l’éveil, de la connaissance est la redécouverte de cet état naturel qui, bien qu’il ne nous quitte jamais, est voilé par une pile de fausses notions sur nous-mêmes et sur le monde.
Ces fausses notions prennent différentes formes : « je dois faire ceci pour obtenir cela ou éviter ceci », « il me manque quelque chose », etc. En vérité, toutes les fausses notions ne sont que des variations sur cette idée fondamentale : « je suis limité·e ».
Des fausses notions que l’action, quelle qu’elle soit, est impuissante à dissiper. Nous ne pouvons en sortir qu’en abandonnant notre perception erronée des choses, laissant briller la vérité. C’est pourquoi les sages affirment que seule la reconnaissance de notre véritable nature nous libère – la connaissance est indispensable et suffisante.
Dans la Bhagavad-gītā, Śrī Kṛṣṇa réfute à de multiples reprises notre notion de finitude et nous invite à dissoudre les limites qui nous opposent au monde dans la connaissance directe de l’existence pure, du véritable Soi.
C’est le sens du verset 24 du chapitre 4 de la Bhagavad-gītā que nous avons déjà évoqué :
ब्रह्मार्पणं ब्रह्म हविर्ब्रह्माग्नौ ब्रह्मणा हुतम् |
ब्रह्मैव तेन गन्तव्यं ब्रह्मकर्मसमाधिना ||
brahmārpaṇaṃ brahmahavir brahmāgnau brahmaṇā hutam
brahmaiva tena gantavyaṃ brahma-karma-samādhinā
« La louche est la réalité absolue, la conscience, le véritable « je », brahman ; l’offrande est brahman, versée dans brahman, le feu, par brahman, le prêtre. Brahman seul est atteint par celui qui est absorbé en brahman même dans l’action. »
Ici, nous voyons que l’absence totale de pluralité rend l’action impossible ; tout impossible qu’elle est, elle ne se manifeste pas moins telle une illusion à l’échelle de l’univers.
Quelle convoitise, quelle peur, quelle aigreur peut venir contrarier l’entière plénitude de l’âme non-duelle ?
L’image employée dans ce verset est celle du sacrifice védique : si cet acte sacré est rendu ineffectif par la vision de la non-dualité, que dire des actions dans le monde ?
Si même l’aspirant·e spirituel·le se dissout dans le sacrifice, dans le feu sacré qu’iel-même a allumé en récitant de puissants mantras, que peut-il advenir des outils et des résultats de ce rite ?
Si l’action s’évanouit, les expériences qui en résultent sont également anéanties – seul demeure notre état naturel, la plénitude.
Pour nous aider à nous approprier cette image inépuisable, Śrī Kṛṣṇa évoque, au fil des versets suivants, douze feux sacrés dans lesquels l’aspirant·e spirituel·le est invité·e à verser ses offrandes – à commencer, au verset 25, par la connaissance du Soi.
ब्रह्माग्नावपरे यज्ञं यज्ञेनैवोपजुह्वति
brahmāgnāvapare yajñaṃ yajñenaivopajuhvatiD’autres sacrifient le sacrifice par le sacrifice dans le feu de la réalité absolue
Comment sacrifier le sacrifice sinon en sacrifiant cellelui-là même qui effectue le sacrifice ?
En d’autres mots, lea sacrificateur·se, son esprit fixé sur la réalité absolue, perçoit son véritable « je » libre de tout conditionnement – existence pure, conscience infinie – ; alors s’évanouit toute notion d’individualité, d’altérité, de pluralité.
C’est le yoga de la connaissance, la culmination de toute pratique spirituelle : ayant attisé les flammes du désir de libération par le bâton du mental, lea prêtre·sse jette en dernière instance ce bâton au feu – pour cet être réalisé, plus aucune pratique spirituelle n’est possible ni nécessaire.
Pour parvenir à cet ultime sacrifice, pour que le mental soit entièrement consumé par un feu crépitant, une préparation est nécessaire.
Śrī Kṛṣṇa commence par attirer notre attention sur le fait que toute action peut être considérée comme un sacrifice.
दैवमेवापरे यज्ञं योगिनः पर्युपासते |
daivam evāpare yajñaṃ yoginaḥ paryupāsateCertains yogis effectuent des sacrifices uniquement pour des divinités
Au premier abord, on peut comprendre que cette ligne décrit les peuples védiques qui offraient des sacrifices aux différents dieux pour obtenir telle ou telle expérience dans cette vie ou la suivante.
Yogi·ni est employé ici au sens le plus profane – Śrī Śaṅkarācārya commente योगिनः कर्मिणः, yoginaḥ karmiṇaḥ, « yogi·ni signifie personne qui effectue une action ». En effet, yoga au sens large désigne la pratique de l’union, l’effort visant à atteindre un objectif. Force est de constater que la plupart de nos actions ont pour but le monde, des expériences dans cette vie ou un proche avenir !
Le sens de ce verset est en fait très large, puisqu’il concerne toutes les actions jamais effectuées.
दैवम्, daivam, divin, fait référence aux formes spécialisées de la conscience qui président aux différents phénomènes – plus simplement, à tous les facteurs intangibles, extérieurs ou intériorisés, qui façonnent nos vies : forces naturelles, influences sociétales, idéaux choisis ou subis (le succès matériel, le couple source d’accomplissement personnel, la carrière brillante, les grandes études, la beauté physique, le comportement vertueux…), etc.
Un exemple de « divinité » pourrait être la retraite : pour beaucoup, elle est lointaine, incertaine, vague, mais porteuse de promesses et symbole d’un avenir meilleur. Pour cette divinité (comprendre : ce phénomène intangible mais très signifiant pour nous), nous sommes prêt·e·s à faire d’immenses sacrifices : faire grève et descendre dans la rue pour défendre les conditions de son apparition dans nos vies, privilégier la sécurité de l’emploi plutôt que l’épanouissement au travail, rogner sur la vie personnelle voire sa santé pour terminer sa carrière avec le salaire le plus élevé possible…
Nos actions sont toujours des sacrifices à des divinités – sauf, bien sûr, les actions de l’être réalisé… et l’action qui relève du karma yoga, l’action désintéressée, qui est sans doute la pratique la plus subtile et puissante qui soit.
Ces deux sacrifices présentés au verset 25 s’opposent fermement et s’excluent mutuellement : les yogi·ni·s qui offrent leurs actions aux dieux et déesses sont dans la quête d’une expérience, d’un objet – en tant que sujet, iels se considèrent limité·e·s – ; les autres, reconnaissant la nature illusoire de leur individualité, offrent dans la réalité absolue une action qui n’a jamais vraiment existé.
Il est possible de progresser d’un groupe, celui des ignorant·e·s, à l’autre, celui des éveillé·e·s, à travers une multitude de sacrifices intermédiaires. Pour nous mettre sur la voie, Śrī Kṛṣṇa en décrit dix (versets 26 à 30).
La maîtrise des sens
« D’autres offrent leurs facultés de perception dans le feu de la maîtrise de soi. »
Par la concentration et la pratique, nous pouvons faire abstraction de nos perceptions pour méditer, étudier, travailler… Les facultés de perception sont ici conçues comme des offrandes et la maîtrise de soi comme un feu qui les consume. Pour un temps, ces objets semblent ne pas exister, comme s’ils étaient partis en fumée (verset 26).
La perception
Inversement, toujours au verset 26 :
« D’autres offrent les objets des sens dans les facultés de perception. »
Ici, le feu est la perception qui consume les objets des sens, les transformant en influx nerveux pour acheminer les informations sensorielles vers le mental. Pour illustrer la notion de sacrifice, de la même façon qu’un feu peut être étouffé par une trop grande quantité de bois, nos sens saturent rapidement s’ils sont exposés à des impressions trop fortes : sons excessifs, jeux de lumière, aliments riches…
La pratique spirituelle correspondante consiste à offrir à nos sens essentiellement des objets liés au divin, et à le priver des impressions susceptibles de le détourner de la quête du Soi.
À travers ces deux exemples, qui une fois de plus semblent opposés, Śrī Kṛṣṇa montre que le retrait de l’action comme l’action peuvent être conçus comme des sacrifices.
La maîtrise de soi
Un autre type de feu s’embrase lorsque nous réalisons qu’une vie de plaisirs et d’abondance n’est pas suffisamment porteuse de sens pour nous :
« D’autres encore sacrifient toutes les perceptions et les actions dans le feu de la maîtrise de soi allumé par la connaissance [que le but de la vie est l’accomplissement de soi]. »
Avec ce discernement nouvellement acquis, notre existence prend une nouvelle dimension, nous nous tournons vers l’aide aux autres, les pratiques spirituelles… Le mental qui a compris cela atteint une maîtrise naturelle des perceptions comme des actions : nous sommes moins gouverné·e·s par nos envies, parlons moins souvent à tort et à travers, etc. Nos actions s’orientent désormais en fonction de notre but ultime – c’est le karma yoga, l’action désintéressée.
Dans ce sacrifice, le feu est la maîtrise de soi et les offrandes sont nos actions et perceptions (verset 27).
D’autres actions semblent au premier abord être des pratiques spirituelles, mais ne deviennent vraiment de sincères sacrifices que lorsqu’elles sont offertes au divin, et illustrent combien la dévotion est fondamentale dans l’exercice de la discipline. L’attitude d’offrande est si importante que Śrī Kṛṣṇa qualifie de यतयः, yatayaḥ, renonçant·e·s, les personnes qui suivent leurs vœux avec fermeté et désintéressement !
Le verset 28 comprend cinq exemples de ce type d’action :
Le don
Les plaques dans les musées, les églises et même sur certains monuments publics témoignent de notre difficulté à donner sans contrepartie, sans rien attendre en retour, ni reconnaissance ni pouvoir. Pourtant, ce que nous pensons posséder nous est tout au plus « prêté » pour un temps. De surcroît, il est vital que les ressources circulent, car ce qui stagne meurt. Le don fait par intérêt ne peut que renforcer notre attachement, tandis que que le don sincère nous purifie intensément.
L’ascèse
L’ascèse correspond le plus souvent à des vœux, comme le fait de suivre un régime végétarien, de se lever de bonne heure, ou encore de jeûner certains jours (pour Ekādaśī, par exemple).
Fascinante, l’ascèse peut pourtant dissimuler un égo grisé par son propre pouvoir sur les besoins du corps et du mental ; ce cas de figure se retrouve fréquemment chez les असुर, asuras, des êtres prêts aux plus grands sacrifices pour des gains matériels tels que la puissance et l’immortalité. L’antidote : l’ascèse devient une pratique spirituelle si elle est offerte en sacrifice au divin, qui peut prendre différentes formes à nos yeux – le bien-être animal, la préservation des conditions favorables à la vie sur Terre… ou la divinité la plus chère à notre cœur.
Le yoga
Tous les membres du yoga, et notamment les plus connus que sont les postures et la méditation, prennent leurs sens lorsqu’ils sont pratiqués pour découvrir le divin et notre véritable nature. Si notre pratique n’est pas vue comme une offrande, elle n’est pas différentes de nos actions quotidiennes dans le monde, et nous courrons le risque de faire des excès (blessures, sentiment de supériorité sur les autres…).
La récitation, la mémorisation et la transmission des textes sacrés et spirituels
Dans la tradition indienne, les textes sont récités et appris par cœur dans l’enfance, sans que leur sens soit expliqué. La simple discipline de la récitation quotidienne, si elle est conçue comme un acte d’adoration susceptible de faciliter la redécouverte de notre véritable nature, est un puissant purificateur du mental.
À force de réciter ces textes, surtout de manière désintéressée, certain·e·s d’entre nous éprouvent le désir de les comprendre :
La connaissance des enseignements sacrés et spirituels
Le terme de « connaissance », comme dans « le yoga de la connaissance » ne doit pas nous induire en erreur : il ne s’agit pas d’atteindre une érudition stérile dans le seul objectif d’impressionner notre entourage, mais de connaître la sagesse à travers la compréhension et l’assimilation des enseignements secrets des textes védiques tels que les upaniṣads.
À travers ces cinq sacrifices du verset 28, Śrī Kṛṣṇa nous a décrit cinq exemples d’action désintéressée à la portée de chacun·e, permettant de purifier chacune des cinq enveloppes par ordre ascendant de subtilité :
le don pour notre champ d’expérience matériel (अन्नमयः कोश, annamayaḥ kośa)
l’ascèse pour notre champ d’expérience lié à l’activité (प्राणमयः कोश, prāṇamaya kośa)
le yoga pour notre champ d’expérience mental et lié aux expériences sensorielles (मनोमयः कोश, manomayaḥ kośa)
l’étude pour notre champ d’expérience intellectuel et lié à la mémoire (विज्ञानमयः कोश, vijñānamayaḥ kośa)
la réalisation du Soi à travers la compréhension des enseignements pour la destruction de l’ignorance (आनन्दमयः कोश, ānandamaya kośa)
Comme Shri Ramana Maharshi quelques millénaires plus tard, Śrī Kṛṣṇa accorde une place particulière à un aspect spécifique de l’aṣṭāṅga yoga, expliquant comment celui-ci peut être conçu comme un sacrifice :
Le prāṇayāma
« D’autres offrent en sacrifice l’expiration dans l’inspiration, et l’inspiration dans l’expiration, interrompant les allées et venues du souffle, absorbé·e·s uniquement dans le contrôle de ces mouvements. »
L’énergie et le mouvement sont indissociables ; le prāṇa est à la fois l’énergie subtile de la vie et ses mouvements qui animent le corps physique. Par nature, un prāna est associé à une manifestation physiologique. Deux prānas contraires, comme le prāṇa ascendant (प्राण, prāṇa) et le prāṇa descendant (अपान, apāna), ne peuvent donc pas présider simultanément au même processus.
Lorsque le mouvement descendant prédomine, le mouvement ascendant s’estompe – c’est l’inspiration, le sacrifice du prāṇa dans l’apāna. Inversement, lorsque le mouvement ascendant prédomine, le mouvement descendant s’estompe – c’est alors l’expiration, le sacrifice de l’apāna dans le prāṇa. Et lorsque ces deux mouvements viennent s’équilibrer l’un contre l’autre, c’est la rétention (verset 29).
La maîtrise de ces mouvements, à travers les exercices de respiration appelés prāṇāyāma, est une discipline du yoga. Pour les pratiques avancées, il est conseillé d’être guidé·e par un·e enseignant·e qualifié·e. Toutefois, la simple concentration de l’attention sur la respiration et la prise de conscience des sacrifices successifs qu’elle représente à chaque instant est formidablement efficace.
En effet, le contrôle du souffle apaise le mental – momentanément. C’est un outil nous permettant de réduire les symptômes de l’ignorance de notre nature réelle : l’agitation, le manque de concentration, les pensées causant de la souffrance. Cette étape est nécessaire avant de traiter le mal à la racine, d’atteindre par la connaissance la paix absolue.
La digestion et le traitement des expériences sensibles
« D’autres, régulant ce qu’iels ingèrent et perçoivent, offrent les prāṇas dans les prāṇas. »
Le dernier sacrifice développé par Śrī Kṛṣṇa est celui des prāṇas dans les prāṇas, des mouvements indisciplinés de l’indigestion – alimentaire comme sensorielle – dans les mouvements disciplinés que nous pouvons favoriser à travers une alimentation saine, équilibrée, prise au bon moment et, au niveau sensoriel, des expériences nourrissantes et en harmonie avec notre vie intérieure (première ligne du verset 30).
Nos prāṇas, c’est-à-dire notre enveloppe énergétique, ont une place intermédiaire entre le corps physique et la sphère émotionnelle. Ce que nous consommons (et les conditions dans lesquelles nous ingérons les aliments et les perceptions) influence l’équilibre des prāṇas entre eux, et donc notre vie émotionnelle : un mode de vie adéquat produit un équilibre intérieur.
Pour discerner ce qui est adapté pour nous, la pratique du jeûne est précieuse : la tradition indienne recommande de s’abstenir de manger ou du moins de se limiter à des fruits, légumes et produits laitiers frais environ deux fois par mois, le jour d’Ekādaśī. Ce repos digestif devrait s’accompagner d’une réduction des stimulations sensorielles et émotionnelles ; c’est un jour qui se prête particulièrement bien aux pratiques spirituelles. L’expérience du calme intérieur, physiquement et émotionnellement, permet, à la reprise du mode de vie habituel, de faire le tri entre les habitudes bénéfiques et néfastes.
Par ailleurs, la compréhension des trois guṇas, sattva, rajas et tamas, est d’un grand soutien pour comprendre comment notre mode de vie influence nos états intérieurs. C’est un sujet subtil, que nous allons approfondir à l’occasion d’un stage à La Ciotat les 1er et 2 juillet prochains.
Ayant ainsi transformé leur conception de l’action, reconnaissant la dimension sacrificielle dans leurs activités quotidiennes et pratiques spirituelles, ces « connaisseurs et connaisseuses du sacrifice » sont libéré·e·s de tous les péchés, c’est-à-dire tous les obstacles qui se dressaient entre elleux et le divin, et peuvent atteindre l’existence sans conditionnement, ब्रह्मन्, brahman, la réalité absolue, qui consume jusqu’au sacrifice (deuxième ligne du verset 30).
Quels sont ces obstacles et comment sait-on qu’ils sont levés ?
Si nous offrons nos actions au divin, que nous reste-t-il ?
Nous développerons ces questions dans notre prochaine lettre et nos prochains cours.
Bravo d’être arrivé·e jusqu’ici !
Les prochains ateliers...
Stage à La Ciotat les 1er et 2 juillet prochains ici.
Informations sur les cours en ligne tout au long de l’année ici.
Inde à partir du 12 août 2023 : formation aux rituels védiques et à la bhakti en Inde auprès de Swami Sharadananda (Chinmaya Mission) ici.
À très vite :)
Sophie
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